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Vos coups de cœurs du Bal Masqué


Un mois à l’avance, les Scribtonautes lancent des idées pour l’AT (appel à textes) du mois suivant. En janvier, les suggestions étaient nombreuses! Voté auprès des membres du forum, le sujet choisi fut :

Écrire une histoire qui se déroulerait dans un bal masqué.

Neuf Scribtonautes ont participé à cet AT et leurs oeuvres ont été soumises au vote afin que deux d'entre elles puissent paraître dans la revue. Sans plus tarder, voici les deux gagnants de ce vote qui a été effectué auprès des Scribtonautes ayant lu tous les textes participants.

 

Une ronde vanille Par Mie et Sunflower Pour fêter son départ de Bourbon, le baron Roseville a vu les choses en grand. À la salle de réception, étouffante, il a préféré la brise océane du parc qui s’étend derrière son manoir. L’ampleur des festivités m’impressionne : les tables croulent sous les mets fins, les jattes débordent de punch. Et que de serviteurs à la livrée impeccable ! Les meilleurs musiciens de l’île officient sur une estrade embellie de roses et d’orchidées. Dans l’éclat des flambeaux, loups et dentelles, jabots et velours s’enlacent et se délassent sur des accents de violons. Mais cet étalage de richesses ne présage-t-il pas davantage qu’un retour au royaume de France ? Le parquet extérieur craque déjà sous les pas de danse lorsque, entre joie et angoisse, je me décide enfin à sortir de mes appartements pour me joindre à la fête. Hier, j’ai enfin pu obtenir la liste des invités savamment concoctée par Père. « De beaux partis… » a-t-il soufflé, un air entendu fiché dans sa prunelle. Ce soir, je sais que tu seras là.


« Monsieur Lawrence White ! » claironne un majordome à mon arrivée. Des masques me jaugent, me saluent. Le gouverneur Dumas et sa femme ? Charles de Roseville lui-même ? Je les connais mais ne peux les reconnaître, et cet anonymat me désoriente. Comment te retrouver, Flore, dans ce tournoiement de danseurs mystérieux ? Avant même que l’aboyeur ne clame ton nom, ma peau frissonne en devinant ta présence. Tu dévisages les faces masquées qui t’accueillent, attentif comme un loup aux aguets. Restée dans l’ombre des lumignons qui éclairent le buffet, je prie pour que tu ne me remarques pas. Pas encore. Te voir me chercher ; je ne souhaite rien d’autre en cet instant. Mais déjà te voilà happé dans le ballet tressautant des danseurs… Les premières mesures d’une gavotte déclenchent un « ah » enjoué. J’ajuste mon loup. Un sourire de circonstance aux lèvres, je me laisse entraîner dans ce tourbillon de soupirs caressants et de regards appuyés. Poings aux hanches, nous nous tournons autour. Nos mains se tendent, s’effleurent ; nos hanches se frôlent dans un sautillement de chausses et de jupons enrubannés. Les gorges offertes embaument le musc, la menthe ou l’eau de Cologne. Il flotte sur ce bal la fragrance de la chair. Une chair à satisfaire. Grisés par le punch et le vertige des chaconnes, les masques se délient dans l’abandon des sens. Les miens sont à vif : je veux respirer la nuit avec toi, Flore, nous enivrer d’un rêve où scintillent seules nos étoiles. Je veux reprendre au temps nos solitudes et les combler de nous à jamais. Une onde sans fin, comme cette ronde de masques qui me dérobe soudain à mes songes et m’emporte dans son sillage enfiévré. Mes yeux se ferment, s'oublient, la brise devient vanille. Et ma paume, la tienne. J’entre mes pas dans vos trois temps comme je me serais jetée dans un océan d’incertitudes. Ma poitrine éclate de ce maintenant, battue de l’intérieur par un ressac me drossant irrémédiablement sur toi. Être ta naufragée qui sait avoir atteint sa terre. Quand je reçois l’éclair de tes yeux droit dans les miens, je sais alors que tu viens de saisir l’air que tu danses… Mon cœur se serre.

Soie rose vaporeuse et loup neige, tu loves ton regard vert en moi. Je lis dans son immensité le vœu signé par tes doigts agrippés aux miens. Un instant, mes jambes flageolent. Je viens enfin de comprendre la magnificence de cette fête. Avant son départ, ton père le baron souhaite t’avoir choisi un époux. Avoir scellé notre sort ou libéré notre amour. Notre ronde s’étire, s’esclaffe, s’égare dans la pénombre des jardins. Les tambourins battent joyeusement le rappel, et la course virevoltante reprend vers les flambeaux du parc. Sans nous. Alors nos mains, qui ne doivent pas mais ne pensent plus qu’à cela.

 
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Au milieu des loups Par Daji


Le bal appelle les temps d’antan.

Renaissance. Le bal remémore les lieux merveilleux. Palais de Vienne.

Robes satinées. Costumes colorés. Femmes et hommes dansent en un paysage impressionniste, mélange d’arc-en-ciel illuminant le parquet lustré.


Mélodie entêtante. Tintements de talons. Frottement de tissus. Le son lui-même s’imprègne de la scène. Lions, tigres, singes, paons et autres animaux fantastiques ornent le nez de chacun. Le zoo de bipèdes enchante la réception. Ainsi cachés, tous se pavanent sans retenue. Éclats de voix et de rires. Frôlements de peaux. Regards pétillants. Dans cette folie enchanteresse, elle découvre les joies de ces réceptions. Belle et apprêtée, son loup de biche dissimule tout juste son sourire étincelant. Son étole, assortie à la compagne d’Artémis, dévoile sensuellement ses épaules. Les têtes masculines tournées dans sa direction attestent de l’effet escompté.

Ravie, elle entame la descente des marches. Effluves sucrés. Murmures à peine voilés. Son entrée est remarquée. Les fauves l’observent, prêts à l’approcher. Proie au milieu des loups, un frisson la parcourt. Elle s’avance avec grâce, désireuse de plus d’admiration.À l’orée de la piste, elle prend la pose et étudie les couples tourbillonnants. Comme il est plaisant de constater les choix de tous. Oiseaux et êtres fragiles pour ces dames. Puissants félins et canidés pour ces messieurs.

Se détachant de ceux-ci, un tigre s’approche. Majestueux dans son costume rayé, il la fixe de son regard doré. Supérieur aux autres mâles, il s’avance, déterminé. Une haie d’honneur se forme devant lui. Respect et silence. Comme une évidence.

Tremblements imperceptibles. L’excitation monte. Ses joues s’empourprent. Le chasseur fait halte. Un pas les sépare.

Une révérence, une paume tendue et les voilà liés. Mêlés aux palettes de la piste, chacun perdu dans les yeux de l’autre. Une seule danse suffit à leurs cœurs pour s’emballer. Musique enflammée. Chant sensuel. Succession de quarts de tour sur une valse à trois temps. Ils flottent. Tournicotent. S’envolent.

Plus rien n’existe autour d’eux. La foule a disparu. Moment divin. Course du temps oubliée. Désir incandescent. Le couple envoûté s’isole enfin. Une main promenée. Un soupir extasié. Souffle saccadé. Le museau moustachu proche de son cou, son esprit s’évade. Souhaitant le sentir entier, ses doigts cherchent les contours du masque. Pouce à la gorge, un liquide chaud s’écoule de sa nuque. Crocs pointus. Yeux écarquillés. Le tigre arrache sa carotide. Avide, il mastique avec acharnement. Douleur. Souffrance et peur. Privée de sa gorge, aucun cri ne s’échappe. Sa vie s’enfuit. Visage livide. Ses forces la quittent.

De l’autre côté du mur, l’orchestre entame un nouveau morceau. Effervescence de la danse. Le fauve sans loup lèche ses babines rougies. Poupée de chiffon dans les froufrous de sa toilette, il la laisse choir sans plus d’intérêt. Un sourire décelé. Prochaine proie repérée.

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