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À LA DÉRIVE


Une petite, mais belle cuvée de participations pour le thème du mois d'août :

"Une bouteille échouée sur la plage"

 

À LA DÉRIVE

 

Penché par-dessus le bord de son canot, ses longs cheveux blancs flottant au vent, le vieil homme tendait la main. Ses doigts se refermèrent autour du goulot. Alors qu’un grognement s’échappait de ses lèvres, Benoît balança la bouteille de verre. Elle atterrit au fond de son embarcation, dans un coffre tapissé de couvertures de laine. Sans plus prêter attention à son butin, il attrapa les rames et se dirigea vers une petite crique. L’homme pagaya jusqu’à son chalet de bois rond. Là, il entra dans la pièce à vivre. Il s’installa à la vieille table, y déposant la bouteille qu’il venait de cueillir en mer. Il retira le bouchon et extirpa le parchemin jauni qui craqua sous ses doigts. Les premiers mots se faufilèrent jusqu’à son cœur usé : Ma mie Charlotte, Ces deux mois d’été furent pour moi une révélation. Ton amour, un pur bonheur, hélas! de trop courte durée… Benoît cessa sa lecture, la vue embrouillée. Un souvenir repoussé au plus profond de son être brisa les barrières qu’il avait si soigneusement érigées. Il y avait une quarantaine d’années, dans ce même chalet, une bande d’amis dont il faisait partie était venue passer les vacances d’été. Au village, Benoît avait rencontré Marguerite. Si douce, si belle Marguerite. Mais comme dans toute histoire d’amour de vacances, elle avait été éphémère. Chacun de leur côté, ils avaient dû partir. Benoît aurait voulu revoir son amoureuse, mais celle-ci était promise à un autre. Fidèle à sa parole, elle avait quitté Benoît. L’année suivante, il était revenu avec ses amis. Dans le courant de l’été, il avait eu cette idée folle de lancer une bouteille à la mer pour sa Marguerite qu’il n’avait pas su oublier. Ainsi était née une tradition. Pendant dix ans, ses amis l’avaient accompagné. Puis, il avait commencé à venir seul. Tous étaient mariés, avec des enfants. Sauf lui. Dix ans auparavant, retraité, il s’était installé ici, dans ce petit chalet renfermant son plus beau souvenir. Il avait continué à lancer ses mots d’amour à la mer. Benoît soupira. Devant lui se trouvait une bibliothèque. À droite, les étagères se remplissaient des bouteilles comme celle qu’il venait de pêcher. Il les remplaçait par de nouvelles, recopiant le message sur du papier de qualité, traçant mot pour mot, respectant au mieux la calligraphie de l’auteur. Puis, il ramait jusqu’au golfe et la lançait parmi les vagues, lui donnant un deuxième souffle. À gauche de la bibliothèque, les étagères supportaient les bouteilles qu’il avait écrites et qui lui étaient revenues. Celles-là, il les conservait et ne les recopiait jamais. Benoît s’y attarda, les comptant : 21. Y en avait-il seulement une qui avait rejoint sa Marguerite? Une larme roula sur sa joue. Il l’essuya mollement puis se pencha de nouveau sur le parchemin jauni contenant le mot d’amour, et s’appliqua à le retranscrire. Lorsque le soleil amorça sa descente, Benoît embarqua dans son canot, la copie de la bouteille repêchée en main. Avec lenteur, il pagaya jusqu’au golfe. Le bateau bercé par les flots, il la jeta au travers des vagues, l’observant jusqu’à ce qu’elle disparaisse de sa vue. Avec des gestes mesurés, il dirigea son embarcation vers la crique où se trouvait sa maison. Derrière celle-ci, le soleil faisait ses derniers adieux. Benoît se perdit dans ce spectacle. Puis, un mouvement attira son attention, et une main en visière, il tenta de discerner l’ombre qui se tenait devant sa demeure. Il distingua d’abord une fine silhouette, de longs cheveux dorés parsemés de blanc. Intrigué, Benoît plissa le front, continuant de ramer afin de s’approcher de la femme. C’est alors qu’il les reconnut. De grands yeux émeraude, identiques à ceux de sa mémoire. Un joli sourire éclairait son visage. La copie de son souvenir en tous points. Sa Marguerite se tenait sur le quai, une bouteille entre ses doigts.

Le vieil homme soupira de bonheur, le voilà qui venait de repêcher la plus belle des bouteilles échouées, dans les mains de son amour. Ému, il pagaya frénétiquement jusqu’à elle, les derniers rayons les englobant de sa chaleur.

 

QUESTIONS À L'AUTEUR : AliArt

 

1/ Comment t'es venue l'idée de ce texte ?

L'idée du collectionneur de bouteilles est franchement venue toute seule. Je réfléchissais à comment approcher le thème... et voilà!

2/ As-tu des anecdotes à son sujet, t'es tu inspiré de quelque chose en particulier pour l'écrire (film, personnes réelles, tout ça...) ?

Je ne me suis inspirée de rien. Par contre, j'ai trouvé mon sujet rapidement, mais comment le développer m'a pris plus de temps. J'ai fini par trouver l'inspiration un soir, une fois que j'étais couchée (naturellement) et que j'avais que mon vieux iPod pour écrire mon idée avant de la perdre à jamais!

3/ Quand on te dit Bouteille à la mer à quoi penses tu en premier ?

Espoir.

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