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AT Mensuel : Il faut tenter de vivre

Tandis que le vent d'octobre pousse une énième complainte, les mots de La Marquise de Carabas s'éparpillent dans son sillage pour s'introduire dans le cœur des Scribtonautes...

 

Il faut tenter de vivre

Certaines personnes évitent les hôpitaux, les maisons de retraite et les cimetières.

Elles détournent les yeux quand c'est abîmé, que ça perd ses dents et que ça bave.

Elles se sentent mal de regarder la maladie, la vieillesse, la mort en face.

Et ces personnes se doivent de respecter leur dégoût, leur peur. Elles doivent s'écouter. C'est important. De s'écouter.

Moi, j'ai fait une autre promesse. Celle de ne pas détourner les yeux. Je l'ai regrettée cette promesse. Au début.

C'était dur, ça l'est encore, je crois. De les voir vieillir, se rider, se raidir. Regarder dans le vide, s'oublier, s'assoupir. Se figer. Mourir.

Mais je n'ai pas détourné les yeux. Ma promesse accrochée, serrée au cœur. J'ai fait une découverte alors au-delà de ce qui terrifie, plusieurs fois, dans les failles des instants. Le vrai visage de la vie avant qu'elle ne s'efface totalement. C'était dans le sourire de celle pour qui je n'étais plus qu'une inconnue, qui s'est réveillée juste pour éclater de rire et se rendormir.



C'était dans les yeux encore brillants de celle qui me serrait le poignet en regardant les secondes couler doucement sur le sol de sa petite chambre particulière. Avec une photo de camélia sur la porte. Elle les aimait vraiment, sans s'en souvenir. Dans la grimace fatiguée de celui qui baignait dans le tic-tac compulsif de ses myriades d'horloges. Fasciné et dévoré par le temps. Encore hier, c'était dans la voix de celui qui venait de chuter et se laissait soigner ses plaies, s'excusant de conjuguer sa force et sa volonté au passé. Je les ai regardés partir chaque hiver. L'automne tombe sur le dernier encore debout. Je sens, comme devant les tombes béantes, le vent qui se lève. Mais je crois le poète. Il faut tenter de vivre.

 

Sous les projecteurs du Scribtographe, La Marquise a bien voulu nous parler de son texte, un récit fort qui soulève, telle une bourrasque, les sentiments de chacun de ses lecteurs :


"Merci de me donner la tribune pour ce texte un peu difficile. Je souhaitais juste sur ce thème sensible apporter un témoignage. Je ne pouvais me détacher de Paul Valery et de son "Cimetière marin" avec un thème tel que " Le vent se lève ". La vieillesse, la mort, le deuil sont des événements difficiles et douloureux de nos vies, ils nous confrontent à nous même, et il n'est pas rare que l'on s'y abyme... voire que l'on s'y abîme. "Il faut tenter de vivre" est un avertissement, un rappel à l'ordre, une remise en mouvement un peu forcée. Je pense que j'avais besoin de me le redire pour à mon tour m'arracher de la contemplation hypnotisante de ce qui a été et de ce qui ne sera plus jamais. Le texte est maladroit, un peu fébrile, écrit dans cet état de déséquilibre. Je crois que parfois il est nécessaire de passer par ces tentatives maladroites pour, à tâtons, se trouver dans notre propre pénombre."

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