A la lune de nacre, coup de ♥ d'avril
Le mois d'avril, en plus des bourgeons, apporte un nouveau thème sur le forum : Ecailles d'argent. L'un des coups de coeur est écrit par une auteure que vous commencez à connaître : antony crif. Son texte poétique et original a encore une fois envoûté nos Scribtos. Je vous laisse le découvrir.
A la lune de nacre
Sous l’arbre aux palabres, au cœur du désert, la soirée se termine. Les plus jeunes se sont endormis, les autres ont les yeux qui brillent. Remuant les dernières braises, le griot annonce que ce sera l’ultime légende de la soirée. Au temps béni de l’harmonie parfaite, un immense amour éclairait la nuit. La Lune adorait l’Océan et il lui vouait une ardente passion. Chaque soir, au moment où elle se levait haut dans le ciel, l’amoureux lissait chaque parcelle de sa peau. Il effaçait la moindre ride. Il polissait la surface de chaque mare, du plus petit étang jusqu’au vaste lac, comme un amant lustre sa peau pour briller aux yeux de sa belle. L’astre envoûtant pouvait ainsi se refléter où il le souhaitait. Son reflet de nacre était alors magnifique, qu’elle soit pleine et ronde ou réduite à un simple croissant, l’Océan lui offrait un parfait miroir. Ce sentiment si fabuleux suscitait en secret une jalousie féroce. Le Vent, relégué au coucher du soleil dans une sombre grotte, ne supportait plus d’être forcé de disparaître la moitié du temps. Lui qui n’aimait que le mouvement, le bruit et la fureur, était prêt à tout pour rompre cette monotonie. Seul, il se savait impuissant. En quête d’un allié, il fit le tour des créatures susceptibles de l’aider à semer la discorde. Sirènes, poissons, baleines, aucun secours à espérer des créatures de l’eau, entièrement soumises au Maître Océan. Il n’eut pas plus de chance auprès des bêtes, des dragons, ou des arbres ; ceux qui vivaient sur terre ne se sentaient pas concernés. Les oiseaux refusèrent même de l’écouter, son caractère changeant, violent l’avait depuis longtemps privé de la confiance des peuples de l’air. Les seuls alliés qu’il put dénicher étaient minuscules. Des papillons, des nonnes aux ailes d’argent. Ces malheureux en voulaient beaucoup à la Lune de son éclat. Ceux qui avaient la malchance de sortir de leur cocon une nuit de pleine lune, n’avaient aucune issue. Ils brillaient si fort sous les rayons de l’astre argenté qu’ils devenaient des proies faciles. Des nuées disparaissaient, gobées par les rapaces nocturnes. Naïvement, ils pensèrent qu’avec l’aide du vent, ils pourraient convaincre la Lune de les épargner de ses rayons afin que leur vie s’allonge. Le soir de pleine lune suivante, le Vent réunit les nombreuses nuées de nonnes qu’il avait abritées dans sa grotte et les dirigea vers l'immense miroir salé. Alors que les bombyx survolaient l’Océan en une splendide chorégraphie, destinée à amadouer la Lune, une rafale les poussa brutalement vers l’eau. Les papillons disparurent tous ! En une seconde. A la surface, dernier vestige du drame, les écailles flottaient. Elles se dispersèrent pour former une mosaïque. Le reflet de la Lune s'éteignit un instant, pour reparaître une seconde plus tard, éclaté en une myriade de minuscules miroirs. Fin de la merveilleuse harmonie ? La surprise passée, la Lune tourna son regard vers l’Océan. Au lieu d’y voir une parfaite image d’elle-même, elle fut éblouie par les milliers de reflets. Elle sentit tout le temps qu’elle avait perdu à ne voir qu’elle-même. Grâce au vent, elle pouvait désormais admirer les vagues, découvrir les contours de montagnes sous-marines, distinguer nettement les sublimes îles. Les écailles mouvantes à la surface lui offrirent une révélation. Et le Vent susurrait des douceurs à l’astre argenté. La sphère d’argent étirait ses rayons dans toutes les directions. Jaloux, l’Océan fit tous les efforts possibles pour avaler les intruses qui gâchaient son travail. Une à une. Tandis que la belle brillait d’un nouvel éclat, le séducteur agitait les vagues pour l’éparpiller et l’émerveiller. Dépité, l’amoureux oublié renonça à avaler les particules brillantes et souffla vers le ciel celles qu’il avait aspirées. Projetées dans l'immensité, les écailles se suspendirent : les étoiles étaient nées. Alors que les pas du griot tracent un sillon dans le sable, vers le repos, tous les yeux sont tournés vers les écailles d’argent qui brillent au firmament.
La parole à l'auteur
Rompue à l'exercice, Antony crif a accepté avec joie de répondre à mes questions :
D’où t’es venue cette idée aussi originale ?
En voyant le thème j'étais perplexe, et sur Skype ; j'ai vu que tout le monde avait déjà sa petite idée, sirène, dragon, tortue... alors j'ai procédé par élimination et j'ai trouvé les papillons.
Timide, antony finit par lâcher dans un murmure :
Ça vient d'une faute de frappe, j'ai crée un document intitulé écailles d'argent et en relisant, j'avais écrit étoile d'argent...
L’Océan va-t-il se remettre de ce chagrin d’amour ?
L'Océan continue à pleurer son malheur, c'est pour cela qu'on parle du niveau de la mer qui augmente encore.
Le Vent et la Lune vont ils finir par se mettre en couple ?
Le vent profitera de son succès auprès de la lune pendant quelques siècles , avant de se tourner vers de nouvelles conquêtes, il est volage, c'est dans sa nature.
Les Bombyx réussiront-elles à survivre après avoir toutes été avalées par l’Océan ?
Heureusement, toutes les bombyx n'étaient pas assez naïves pour croire le vent, il en restait quelques unes, cachées dans la grotte. Depuis elles se baladent et raconte l'histoire partout. Trop fières d'être les cousines des étoiles.
D'ailleurs c'est un bombyx qui m'a soufflé tout ça.
Et voilà, à bientôt pour un prochain coup de cœur made in l'Atelier.