COUP DE COEUR DE MAI : POUR UN OCEAN ,PAR DAJI
Le soleil, brillant sur le joli mois de mai a inspiré à nos auteurs des textes et des ambiances très variées. Les Scribtonautes ont mis à l'honneur une rencontre d'un genre très particulier, proposé par Daji sous le titre : Pour un océan.
Je vous laisse découvrir cette surprenante histoire avant de vous en dire plus sur sa naissance. Du haut d’une falaise aux reflets cuivrés, l’elfe observait le paysage. L’horizon étendait le bleu marin sur tout son long, tandis qu’en contrebas, un village d’allure modeste tentait une légère percée sur l’eau. Le soleil, à son zénith, offrait sa lumière divine aux maisonnettes de faibles factures. Des toits de paille et des murs de bois abritaient quelques pêcheurs et leurs familles. Un murmure chantant montait jusqu’aux oreilles pointues. Un sourire radieux étira les sublimes lèvres carmin de la créature enchanteresse. Rassasiée de la beauté qui lui était donnée de contempler, la femme à la silhouette élancée tourna les talons. Dans son dos, le bois réclamait son attention, envieux de celle que l’elfe destinait à l’océan. Liée à la forêt, elle savait son désir de prendre la mer irréalisable. Pourtant, comment ignorer cet appel qui hantait ses nuits et son cœur ? À chaque instant, les mélodies des marins traversaient son ouïe fine pour la narguer davantage.
Lorsque ses pieds nus foulèrent l’abri des feuillages épais, une vague de mélancolie s’empara d’elle. Déjà, elle regrettait les embruns qui lui parvenaient un peu plus tôt. Pourtant, sa tâche n’attendait pas. La femme devait se rendre, comme chaque jour, auprès de l’arbre-monde, s’assurer de la pousse des derniers bourgeons et de leur sécurité. Une mission de la plus haute importance, lui avaient dit ses ancêtres. Un honneur incommensurable. L’elfe s’accrochait à cette idée afin d’atténuer le chagrin que lui causait ce lien indéfectible.
Secouant sa tête ornée de cheveux argentés, elle s’élança au milieu des chênes et conifères environnants. L’air s’infiltra entre les pans de sa tunique verte, chatouillant sa peau blanche et douce. Habituée, elle n’y faisait même plus attention. Pourtant, ce jour-là, quelque chose lui paraissait changé. Un parfum hors du commun se glissait parmi celui de la mousse, de l’herbe, de la rosée et des animaux qui peuplaient ce bois.
Curieuse, la gardienne dévia de sa trajectoire. Elle emprunta le sentier naturel qui longeait la côte, profitant ainsi encore un moment de la vue qui s’offrait à elle entre chaque tronc. Revigorée par l’image enchanteresse de la mer, la femme accéléra.
Bien vite, elle découvrit la source de l’odeur inconnue. Allongé entre les racines d’un vieux sapin, un nain dormait. Une hache à la main, le semi-homme ronflait sans vergogne.
L’alliée de la forêt n’avait encore jamais croisé une de ces petites créatures immondes. Loin de leurs cavernes, les rustres se sentaient étouffer. Ils préféraient l’air putride du cœur de la montagne, rehaussé de saveur de souffre, à celui, sain, de la verdure. Que pouvait bien faire ce ridicule personnage en ce lieu insolite ?
Intriguée, la femme s’approcha à pas feutrés. Les feuilles ne crissaient plus depuis déjà bien des siècles lorsqu’elle se déplaçait. Les végétaux masquaient sa présence, fidèles compères. Aussi, quand elle s’agenouilla juste à côté du nain, la barbe de ce dernier ne frémit même pas. L’elfe se pencha un peu plus, humant l’étrange parfum que dégageait cet être infâme. Prise à la gorge, elle recula de quelques pas. Trop tard. La pestilence l’enveloppait déjà. Telle une ombre, elle enserra la poitrine et l’odorat de la gardienne qui suffoquait
Dans un élan désespéré, elle tituba aussi loin que possible de la cause de sa probable mort. Lorsque l’odeur fut trop insupportable malgré la distance, ses jambes sculptées dans le bois ne la soutinrent plus. Au bord de l’asphyxie, l’elfe chuta du haut de la falaise, rejoignant peu à peu son rêve : un océan scintillant. Le moment est venu de sentir ce que cette naissance cache, âmes sensibles s'abstenir !
D'où est venue l'idée de cette rencontre fatale?
La Marquise de Carabas a parlé de son texte pour l’AT dans le bus du forum, Thorim, notre nain officiel, a été méchant avec moi à ce moment-là, alors je lui ai fait une dédicace ! Le texte a t-il demandé une longue maturation ? La plupart de mes textes s’imposent d’eux-mêmes, j’ai rarement l’impression de contrôler grand-chose ! Comme souvent, j’avais l’idée de la chute en premier, pour le reste, il a suffi des premiers mots, et ça a suivi. Même si je me force un peu sur les descriptions, j’ai tendance à les faire courtes. La superbe description de l'océan vient-elle de l'habitude ou de la rêverie? J’habite près de la mer, je l’ai toujours aimée alors qu’elle me terrifie, alors un peu des deux. Un paradoxe que j’aime exploiter dans mes textes, comme pour ma nouvelle sur la sirène. Une elfe amoureuse de l'océan : une aberration ou un hymne à la liberté ? Belle question ! J’aime les paradoxes et les personnages, ou mondes, qui sortent des sentiers battus. Je pars du principe que notre naissance ne définit pas notre vie, alors un hymne à la liberté, sans doute. D’un autre côté, les elfes sont amoureux de la nature, alors elle ne s’en éloigne pas tant que ça ! La description peu flatteuse de l'involontaire meurtrier, tu avais un personnage en tête? Dis-en nous plus sur l'odeur de ce nain ? Thorim. Clair, net et assumé ! Ah ah ! Un mélange nauséabond de ce que vous pouvez trouver de plus écœurant, choux de Bruxelles, couches sales de bébé, dissolvant... le tout mélangé et remué à la puissance dix ! Envie de vomir assurée, l’odorat surdéveloppé de l’elfe la conduisant même plus loin…
Quelle est la part des odeurs dans tes propres écrits et dans la création? Comme mon écrit principal est autour d’une démone de la Gourmandise, j’essaie de me baser pas mal sur les odeurs (et Calegal aime bien me dire d’en ajouter !). J’aime beaucoup sentir les choses, alors ça me plaît bien de jouer là-dessus à l’écrit. Je ne me souviens pas avoir eu une idée créative suite à une odeur, je fonctionne plus sur les échanges verbaux et les images, mais les parfums peuvent faciliter une ambiance créative, au même titre que la musique. Quelle odeur choisirais-tu sur un réveil olfactif pour démarrer la journée ? La lavande, sans aucune hésitation. J’adore cette fleur et son odeur. Un parfum de chez moi désormais ! Que t'ont apporté les avis des Scribtonautes? Sur ce texte, beaucoup de rires ! Et du réconfort. Comme ça fait un moment que j’attends des réponses de maisons d’éditions, voir que mes écrits plaisent aux scribtos me fait toujours du bien. J’ai de la chance de faire partie de cette communauté que je trouve solidaire et encourageante