Coup de cœur d'octobre: Petit Marcel de Laura S
Après l’effervescence de la rentrée, nos scribtonautes ont été rattrapés par l’automne avec le thème du mois d’octobre : Feuilles éparses. Parmi les différentes propositions, le texte de Laura PS : Petit Marcel a su séduire les lecteurs. Je vous laisse savourer cet instant de vie
Le Petit Marcel
Le petit Marcel ne voulait pas rentrer chez lui. Sous la pluie de cette fin du mois d’octobre, il traînait des pieds sur le chemin qui menait, le soir, de l’école à la maison et le matin, de la maison à l’école. Les yeux rivés vers le sol, les poings enfoncés dans les poches et les godasses pleines de gadoue, l’enfant pestait. Qu’ils étaient nuls les copains ! Aucun d’entre n’avait voulu venir jouer avec lui ce soir là, avant de rentrer. « Fait trop froid ! J’ai des trucs à faire ! On m’attend ! Ma mère veut pas ! » qu’ils avaient prétexté, tous ces dégonflés, tous ces trouillards. Le petit Marcel ne voulait pas rentrer chez lui. Sous le ciel chatoyant d’une soirée d’automne, il attrapait à pleines mains des tas de feuilles et les lançait, les bras tendus, au dessus de sa tête. Rouge, orange et jaune dansaient alors devant ses yeux, retombant dans un mouvement désordonné sur le sol humide et glissant. Alors le petit garçon se saisissait d’un autre tas et le ballet recommençait, les couleurs tournoyaient. Au bout de quelques lancers, l’enfant se lassa de ses feuilles éparpillées dont les couleurs chaudes et rassurantes ne remplaçaient pas les rires joyeux et entraînants des camarades. Le petit Marcel ne voulait pas rentrer chez lui. Sous les arbres bientôt nus de cette fin d’année, il blâmait désormais et les copains et les feuilles de le laisser s’enliser dans un ennui qu’il jugeait mortel. La pluie ne cessait pas et le garçonnet prenait froid. Résigné et fâché, il pressait désormais le pas vers le domicile familial. Maudits copains ! Maudite saison ! Son pied rageur tapait successivement dans tout ce qui se trouvait sur son chemin : feuilles mortes, escargots et cailloux se retrouvèrent propulsés par l'extrémité de sa chaussure. Les joues rougies par le froid et la colère, l’enfant accélérait la cadence. Le petit Marcel ne voulait pas rentrer chez lui. Sous son regard humide et brouillé en ce soir de pluie, il aperçut près du perron un tas rouge, orange et jaune presque aussi haut que lui. Il y vit alors l’occasion d’une dernière bêtise, d’un dernier rire avant de passer la porte de la maison. Il prit de l’élan, arma son pied et se rua sur le monticule coloré. Les couleurs automnales dansèrent alors joyeusement devant ses mirettes émerveillées d’enfant. Les escaliers qui menaient à la maison étaient désormais recouverts d’un tapis orangé et humide. Au milieu de cette effervescence silencieuse, le petit Marcel entendit un petit bruit provenant du tas de feuilles, désormais nettement diminué, dans lequel il avait frappé. L’enfant se mit à quatre pattes et farfouilla. Au milieu des limbes froissées, ses doigts furent surpris de tomber sur des poils lisses et ses yeux sur un petit museau noir. Le garçonnet attrapa alors un petit chiot apeuré, frigorifié et trempé, être providentiel sorti non pas de l’écume mais de la chlorophylle. Le petit Marcel ne voulait pas rentrer chez lui. Pourtant, sous le charme du chiot, il se rua dans la maison sans essuyer ses chaussures. Les feuilles, éparses, recouvrait l’animal, le garçon et le sol de l’entrée. Mais cela ne comptait plus. Le petit Marcel avait trouvé le compagnon qui le suivrait par monts et par vaux, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Qu’importe alors les copains, le lieu et le temps : il avait trouvé une compagnie de chaque instant. Le petit Marcel le fit entrer chez lui et l’appela : Automne.
1) Je suis assez troublée par le rythme qui crée une mélodie et la présentation en paragraphes, alors je te demande : dans quel genre classes-tu ce texte ? - Je classe ce texte dans le genre de la nouvelle. Après, il est vrai que j'ai voulu lui donner une coloration un peu mélodieuse, assez répétitive, comme c'est le cas dans les textes et contes pour enfants notamment. En plus, ça allait bien avec les sautillements de mon petit garnement ! 2) Cet enfant est-il un personnage récurrent ou l’as-tu imaginé pour l’occasion ? - Le petit Marcel est né suite à la découverte du thème du mois. Tout de suite - ou presque - j'ai eu l'image d'un petit garçon agacé, la mine renfrogné, qui donne des coups de savates dans des tas de feuilles pour tromper l'ennui. Comme assez souvent finalement, c'est d'abord une image ou une courte situation qui m'est venu. Ensuite, j'essaie de broder une histoire autour de ce détail (avec plus ou moins de réussite !) 3) Les commentaires des scribtonautes ont-ils répondu à la question formulée sur la dernière phrase ? - Complètement ! En plus - pour une fois ! - leurs avis ont été assez unanimes 4) Quel avenir pour ce texte ? - Ce texte s'inscrit dans un projet de recueil de nouvelles très courtes évoquant des tranches de vie. On y retrouvera notamment Port Maria (déjà plébiscité en tant que texte coup de coeur par les scribtonautes) et La vie par procuration que les scribto ont pu (et peuvent toujours !) découvrir dans la catégorie "texte courts". Il sera normalement illustré par mon papa ! 5) L’identification avec l’enfant est très efficace : Comment faire pour aider le lecteur à se mettre dans la peau d’un héros : une méthode particulière ? - J'aime utiliser un vocabulaire différent, même dans la narration, en fonction de mes personnages. Ca permet aux lecteurs de les "entendre" mais aussi de les comprendre. Le petit Marcel, par exemple, porte des "godasses" et trouve que les copains sont "nuls" et "dégonflés". Je trouve que ça donne tout de suite une idée du type de petit garçon auquel on a affaire ! Un gnome un peu terrible mais tellement attachant.