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Coup de Coeur de Décembre: Vers la lumière de Daji

L’année 2017 s’est achevée en nous laissant un thème très riche pour le mois de décembre : Dans la rue éclairée. Parmi les propositions très variées que les scribtonautes nous ont faites, le texte de Daji Vers la lumière a rencontré un franc succès. Je vous laisse le découvrir. Rendez-vous à la fin pour en savoir plus sur sa genèse.


Vers la lumière

Dans l’obscurité la plus profonde d’une montagne, des coups de pioche retentissaient en chœur. Maniant l’outil à la perfection, des êtres trapus, dont on ignorait où commençaient les vêtements et où terminaient les poils, allaient bon train. Éclairés par la faible lueur lancinante de quelques lanternes poussiéreuses, ils repéraient les éclats pour extraire de la roche des pierres précieuses. Un peu à l’écart du groupe, trois d’entre eux maugréaient dans leur barbe. Le plus frêle soupira assez fort pour que les deux autres l’entendent : — Marre de cette mine… Voilà déjà combien de lunes que nous creusons ici ? Je donnerai père et mère pour remonter à la surface et déguster une bonne bière ! — Comme si nous avions le choix ! rétorqua son opposé en corpulence. — Taisez-vous donc, vous allez nous faire battre ! les rabroua le plus grand. Les lèvres se scellèrent un moment et les petites oreilles pointues restèrent aux aguets. Personne ne semblait venir dans leur direction, ils échappaient donc au fouet. Une fois certain que leurs tortionnaires fussent assez éloignés, le premier reprit : — Ça te va bien de dire ça, Talin ! La dernière fois, seul Gralom a pris des coups ! Le concerné acquiesça du menton, mais la lumière était trop faible pour que ses comparses s’en aperçoivent. Pour montrer son mécontentement face à ce douloureux souvenir, il abattit sa pioche avec plus de force et brisa en deux un rocher. Un souffle puissant souleva alors ses poils au-dessus de sa tête. Le trio se figea. Jamais encore une telle cavité ne s’était dévoilée après un simple coup. Sans réfléchir davantage, Talin se glissa dans l’interstice. Aucun mot ne fut prononcé, mais ses deux comparses le suivirent. Ils voyaient là une possibilité d’échapper au travail forcé, rien ne les empêcherait de tenter cette escapade.

***


Après plusieurs heures de marche silencieuse à travers des couloirs sinueux, larges, étroits, en pente, glissants puis hauts, l’estomac de Gralom se mit à gronder. — Talin, si nous ne sortons pas bientôt d’ici, nous allons périr ! — Je ne vous ai pas forcé à me suivre, répliqua aussitôt l’intéressé. Frulun et toi auriez pu continuer à donner des coups de pioche sur ces maudites pierres pendant les prochains siècles ! — Je n’ai pas dit ça… se renfrogna le rondouillard. — Alors cesse de te plaindre et avance ! Nous allons bien finir par déboucher quelque part ! La flamme de leurs torches s’amenuisait de plus en plus et chacun craignait de se retrouver bientôt complètement perdu dans le noir. Ils n’en parlaient pas, mais la peur refroidissait peu à peu leur ardeur. S’engager dans un tel voyage ne paraissait plus une si bonne idée… Pourtant, après une centaine de mètres, une odeur étrange leur parvint. Peu ragoûtante, elle présageait tout de même un changement d’environnement, aussi pressèrent-ils le pas. Une lueur d’espoir leur redonna assez de force pour trottiner jusqu’au bout du tunnel. Là, ils rencontrèrent un mur. La panique les gagna, mais Talin, plus sage que ses compagnons, tâta la roche avec minutie. Le verdict ne tarda pas à tomber : des briques. Leur sortie avait été comblée par un être doué d’intelligence ! Sans attendre, Gralom asséna sa pioche contre l’obstacle qui succomba après quelques coups. Le trio découvrit un nouveau tunnel, bien plus large et faiblement éclairé au plafond. Rien de naturel ici, la voûte et les parois se paraient de briques salies par le temps. Au sol, un cours d’eau croupie évoluait à bonne allure. L’odeur nauséabonde semblait en émaner directement. Habitués à leur propre parfum, les voyageurs improvisés n’en furent pas dérangés. Ils espéraient en revanche qu’il ne leur faudrait pas nager pour continuer leur progression. Frulun avança le premier. Il posa un pied hésitant dans la vase avant de se rendre compte avec soulagement que celle-ci n’atteignait pas ses hanches. La traversée serait encore longue, mais mieux valait pouvoir marcher. Rassurés par leur confrère, les deux autres le suivirent et Talin reprit la tête de la troupe. Parfois, contre les murs, des lettres peintes évoquaient un langage qu’ils ne comprenaient pas. Ils commencèrent à se demander s’ils ne se trouvaient pas dans un nouveau monde. D’un autre côté, en dehors de la mine et du minuscule village de la surface, ils ne connaissaient rien. Enfin, ils découvrirent une échelle en bon état. Au-dessus d’eux, dissimulés par une plaque ronde et pleine, des éclats de voix leur parvenaient, ainsi que des musiques tintées de clochettes et de chants joyeux. Une civilisation ! Leur sortie, leur issue vers une nouvelle vie. Prenant une forte inspiration, Talin gravit le premier échelon. Il enchaîna avec les autres, Gralom derrière lui, suivi de Frulun. Ils allaient découvrir ce que leur réservait cette folle escapade ! Les battements de cœur retentissaient dans les poitrines fatiguées, les mains devenaient moites et l’émotion se distinguait au coin des yeux. Talin poussa le dernier rempart vers cette nouvelle vie et sortit d’un pas bien décidé de l’obscurité des tunnels. Là, face à lui, un monde lumineux l’époustoufla. Une foule impressionnante passa près de lui sans un regard. Le dominant en taille, ce peuple revêtait des habits colorés et chauds, allant des bottes aux fourrures épaisses jusqu’aux chapeaux en laine, affublés d’un pompon au bout. Des exclamations, des cris de joie et des discussions en pagaille assaillirent les tympans de l’étranger. Toutefois, ce n’était rien en comparaison de la lueur aveuglante qui emplissait le paysage. Des guirlandes lumineuses courraient partout. Le long des murs, entre les habitations qui longeaient chaque côté de la rue, sur des arbres, dans des vitrines chatoyantes, entre une main et un animal qui la suivait… Des étoiles, des lunes, des paquets aux reflets pailletés, un visage à la barbe blanche, des cloches… Tout éclairait le lieu, le rendant à la fois beau et effrayant. À peine Frulun eut-il passé la tête au-dessus de la plaque qu’il tomba à la renverse dans le tunnel, ébloui par cette palette de couleurs qu’il ne connaissait pas. Lorsque son front heurta la vase, il hurla de terreur à l’attention de ses compagnons. Des êtres tels qu’eux ne pouvaient pas vivre dans un endroit pareil ! Gralom descendit à son tour, le pas hésitant, les yeux à présent voilés. La lueur trop intense lui avait brûlé les rétines, le rendant aveugle à ce qui l’entourait. Quand Frulun lui attrapa la main, sa panique s’estompa quelque peu. Il demanda où se trouvait Talin, tout en connaissant déjà la réponse. Leur compagnon, exposé trop longtemps à tout ce faste, ne reviendrait pas. Il resterait figé, statue de peau et de poils, au milieu de cette rue incandescente. Au bout de leur long périple, ils pensaient découvrir une nouvelle vie, un endroit où vivre heureux. Ils en avaient payé le prix fort. La souffrance les avait accueillis, dissimulée par une flopée de beaux éclairages. Le trio, désormais duo, ignorait quel chemin emprunter à présent. Fallait-il continuer ou faire demi-tour ? Une fois leur tristesse diminuée, ils prendraient une décision. En attendant, ils laissèrent leurs larmes rouler sur leurs joues rondes, entre les poils épais de leur barbe, bercés par les chants joyeux de cette rue qui leur avait tant coûté.


 

1) Comment est venue l’idée de cette histoire poilue et chevelue ?

Pour les Appels à textes du forum, je fonctionne souvent soit avec une image flash qui traverse mon esprit désordonné, soit avec une idée de chute étrange. Là, ça a été la chute mêlée à l'image. J'ai vu ce personnage figé et, j'ignore pourquoi, il avait une barbe alors je l'ai associé à Thorim ! Le début a été guidé par mes doigts sur le clavier et l'histoire a suivi, d'une traite. Tellement agréable quand ça fonctionne ainsi ! 2) Alors, les nains qui creusent sous nos pieds : réalité, légende ou complot ?

Sans doute les trois... Ils sont sans doute là, quelque part, peut-être même nous observent-ils en ce moment... Après tout, nous en avons un sur le forum, alors qui sait jusqu'où ils peuvent aller ! 3) J’ai aimé ce texte, en particulier pour la complicité qui lie les personnages. L’amitié est-elle facile à transcrire dans un texte aussi court ?

J'ignore si l'amitié est facile à retranscrire tout court. Les sentiments et les liens entre les personnages constituent bien souvent une grosse difficulté dans les écrits, non ? Leur relation me paraissait évidente alors je suis contente que tu l'aies ressentie ! 4) Le pauvre Talin ! Y-a-t-il un remède à son état ? Eh bien... on y répond dans la question suivante ? 5) Mon petit doigt m’a dit que ce texte aurait peut être une suite, peux-tu nous en dire

plus ? Ah ah oui, c'est une possibilité ! En fait, quand Maanilee a lu ce texte, elle m'a un peu maudite en raison de la fin. Alors je l'ai rassurée, et je vais tenter de vous rassurer aussi !

Il pourrait, un jour où je prendrais le temps, y avoir un retournement de situation sous fond de conte de Noël, avec un éventuel sauvetage de Talin... Mais je ne vous dis pas par qui, ni comment ! L'idée existe, validée par ma Clonette, alors peut-être que ces nains auront le droit à une autre fin, un peu plus joyeuse.

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