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Coup de coeur de décembre: Volutes de Cannac

Avec quelques frissons, l’année s’est achevée. Nous avons donc fêté l'arrivée de la nouvelle avec des textes très variés sur le thème : Dans la rue éclairée. Cannac nous a surpris avec le texte Volute. Étonnant et haletant , le texte a séduit les scribtonautes qui en ont fait leur coup de cœur en ce mois de décembre 2017. Je vous laisse le découvrir avant d’en découvrir plus sur sa création.

Volute

Volute. Noire encenseuse, vorace, encercle le mur d’enceinte qui accouche de sombres aurores. S’extirpent quelques masses à la lourdeur impondérable, prises aux nerfs, aux tripes, au sang, aux os, osant aux sots, aux fous, inconscients déracinés, répondant à l’appel d’hurlements, de voix à vif, dure le vent, écorche à blanc, un corps qui n’est que vitesse ou mouvement. C’est comme un magma de glace, à l’ardeur du givre, la braise mordante, qui brûle de brûler. Enveloppe d’air, l’air de rien, rien qu’à l’entendre, la main, serrée, le poing, bloc, agrippant, peu importe quoi. Il y a des cordes dans l’air, des câbles de fer, d’air solide qui tronçonne le corps, qui souffle dans les branches, transperce, écrase, les sacs de tissus et de chair furieux du dehors. Lâcher c’est mourir. Lacéré. La serrer. Plus fort. Un centimètre devient kilomètre. Voie envoutante sur tapis d’ivoire qui déverse la voix violente du vent, dévoile l’averse horizontale. Des couteaux et des étoiles tombent du ciel en saccade. Syncope. L’air arrête de respirer. Le temps pour la forme de reprendre sa mémoire. Et de plus belle, de plus magnifique, le chant des tornades reprend. Une mélodie qui scie le sol, écarte et esquinte, se met à dos l’arrêt. Ils sont trois. S’accrochant à eux-mêmes, flammes d’abysse, montagnes marcheuses. Quelques flocons de jour cavalent dans la rue-vallée, trouvant la mort dans le nuage d’encre opaque. La pluie écrit des mots avec son sang, ils éclatent sur toutes les surfaces, repartent en trombe, se compriment, déroulent, crient jusqu’à l’imperceptible. Les hommes avancent au milieu des mots, les bravent, s’étouffent, personne ne peut les respirer. S’enroule la couverture rugueuse du souffle, qui glisse comme un papier de verre, qui brûle et se brise en simultané, répandant, sur toute l’avenue, des éclats de flamme, d’un livre où ne s’imprègne aucun mot, le son seul lutte, perce le voile, percute son propre écho, dans l’infinité de sa réverbération. Ils sont trois, dans un torrent de phrases. Trois cisaillés, enchaînés au chaos, ascèse saisissante, déphasés, visages zébrés d’azur grisé, les yeux sectionnés aux extrémités, par la braise désarmante du grésil, des larmes qui taisent le brasier, d’un baiser, s’embrasent à l’embrasse. Onde-choc. Le ciel s’épaissit, la lumière s’étouffe. De ville ne reste que cendre. Ils sont tous trois debout. Volutes

 

1) Comment est venue l’idée de ce texte ?

Je ne me rappelle plus vraiment comment c'est venu. Ce que je sais, c'est que je voulais faire quelque chose qui fasse ressentir un état de chaos, et que, pour qu'une rue soit éclairée, il fallait d'abord qu'elle soit sombre. J'avoue que j'ai commencé à écrire sans trop me poser de questions, juste en partant des mots, et puis les choses se sont assemblées petit à petit.

2) La forme a paru compliquée à aborder pour certains lecteurs. En quoi contribue-t-elle à l’effet recherché ?

Je suis de plus en plus convaincu qu'il n'y a pas vraiment de barrière entre forme et fond, et qu'il faut faire pénétrer ces deux éléments l'un dans l'autre pour faire naître un ressenti. C'est vrai que je théorise pas mal l'écriture, mais j'essaye vraiment de chercher sa spécificité, ça se fait à travers tout un tas d'éléments (le langage, les sons, les rythmes, la ponctuation, mise en page, etc.). Pour donner un exemple, j'ai l'image du mouvement : on peut avoir un tableau qui représente le mouvement, on voit que les personnages sont en action, mais la sensation de mouvement ne se dégage pas, on voit qu'on est devant quelque chose de figé. Alors qu'il existe des tableaux, peut être plus chaotiques, mais qui font ressentir le mouvement sans chercher à le représenter, et c'est cette approche que j'ai expérimentée dans ce texte.

3) La scène décrite n’est pas expliquée. Qu’attends tu des lecteurs ?

Chacun peut y voir un peu ce qu'il veut, c'est ça que je trouve amusant. Au milieu d'un roman, c'est clair qu'on aurait une idée beaucoup plus précise de ce qu'il se passe, mais des fois c'est pas plus mal d'être dans l'action sans aucun indice, ça fait travailler l'imaginaire du lecteur.

4) Chacun peut voir en lisant tout le travail sur le son et le rythme. En quoi est-ce important ?

Cela permet de faire ressentir le côté étouffant de la situation. Sur les sonorités, j'ai essayé de faire ressortir les sons en S, en Z qui figurent le souffle du vent, et des phrases courtes, assez découpées qui marchent bien dans les situations de tension.

5) As-tu une référence à nous proposer pour mieux connaître ce genre de littérature, d’écriture ?

Une grosse partie de ce qui m'a influencé vient d'un auteur qui s'appelle Alain Damasio, il a une vision de l'écriture hyper intéressante et j'essaye de travailler dessus (une grosse partie de ce que j'ai dit au-dessus vient de ce monsieur). Et pour ceux qui n'ont pas peur de ce genre d'écriture plutôt exigeante, je vous recommande de vous pencher sur la horde du contrevent de cet auteur. C'est un bouquin absolument virtuose sur tous les plans. Sinon en poésie contemporaine, il y a un bonhomme qui s'appelle Hervé Piekarski et qui se concentre sur l'essence des choses, tente de décrire un événement, un lieu, en supprimant tout son contexte pour extraire ce qui fait l'essence de cette chose, c'est assez ardu, mais c'est aussi le genre de délire qui m'influence.

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